Dernier jour 7h12

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Associated Press, Santa-Maria d'Almogar, aujourd'hui, 07h11. Selon une source interne qui a souhaité rester anonyme, la police de Santa-Maria d'Almogar serait paralysée par une sévère cyberattaque en ce moment même. Le chef de la police n'a pas souhaité faire de commentaires, mais il a reconnu l'existence de cette attaque et a admit qu'elle perturbait fortement le fonctionnement de sa brigade.

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Autour d'AK au commissariat de Santa-Maria, une effervescence certaine régnait. Les ingénieurs s'arrachaient les cheveux à mesurer l'étendue des dégâts et à tenter de faire redémarrer les services interrompus. Des gens couraient, gueulaient dans les couloirs, car même le téléphone interne était HS. Quand AK demanda s'il pouvait se rendre utile, on ne lui répondit même pas. Il voulut se remettre au travail sur les dossiers d'homicides qui étaient à sa charge, mais les serveurs n'étaient pas en ligne. Avec un petit sourire, il alluma son ordinateur portable. Il gardait toujours une copie sur sa machine, un vieux réflexe qui datait de sa jeunesse quand les réseaux n'étaient pas fiables. Il se remit au travail tandis qu'autour de lui les jeunes et les moins jeunes couraient dans tous les sens.

Après une bonne heure de tumulte, AK entendit quelques cris de joie et de soulagement. Il vit que son téléphone était redevenu actif, d'ailleurs il clignotait pour lui signaler qu'une collègue de la Sécurité Intérieure de l'Agence Spatiale Internationale, une jolie blonde intelligente et efficace, avait cherché à le joindre. Il l'appela.

— Claire, comment vas-tu ?

— Je vais très bien. Je voulais te parler parce qu'ici à Almogar on est un peu inquiets. Il y a eu cet attentat ce matin, et maintenant, on nous dit que votre réseau a été attaqué.

— Ouais, on commence à peine à s'en remettre.

— Vous avez une idée de l'origine ?

— Mes collègues ont l'air affolés par la vitesse et l'ampleur de l'attaque, mais de là à dire que c'est terro ... Il faudrait avoir plus d'information tangible. Pourquoi veux-tu savoir ça ?

— Tu sais qu'aujourd'hui est un jour très spécial.

— Non, dis-moi ? Ils vont nous brûler plus de voiture que d'habitude ?

— Tu ne regardes jamais les nouvelles ?

— Non, ça me déprime. C'est comme cette avalanche de meurtres, de suicide et décès suspects depuis l'Annonce. Il y a trois ans j'en avais un par semaine sur tout le district, aujourd'hui j'en ai presque trois par jour rien que sur Santa-Maria. Mais ce n'est pas le sujet, et je suppose que de ton côté, ça ne doit pas être de la tarte tous les jours non plus.

— Non, ce n'est pas de la tarte, comme tu dis.

— Alors, pourquoi aujourd'hui est un jour spécial ?

— Aujourd'hui, sur Almogar, on a un vol très particulier. Vraiment très particulier. Un vol en partance pour Exodus.

— Ah oui ! J'y suis. Dernier jour sur la Terre pour quelques aventuriers triés sur le volet. Pourquoi me parles-tu de ça ?

— Le Hilton ce matin, c'était ça.

— Hein ?

— Tu gardes ça pour toi, mais quatre des victimes étaient enregistrées sur ce vol.

Il siffla entre ces dents.

— Schwartz ! Je n'avais pas pensé à ça.

— Maintenant, il y a un autre truc que je vais te dire, mais que je voudrais que tu diffuses avec parcimonie et prudence autour de toi.

Il émit un petit rire.

— Je te promets d'en faire bon usage.

— Vous avez encore des passagers pour ce vol à Santa-Maria.

— Surtout, ne me dis pas où ils sont, répondit-il vivement.

— Je n'en avais pas l'intention.

— Pourquoi ne venez-vous pas les chercher pour les mettre à l'abri dans l'enceinte de l'astroport ?

— AK, c'est un autre truc qu'il faut que tu gardes pour toi, mais on n'a pas trop confiance sur le niveau de sécurité de l'enceinte ici. Surtout les hôtels, dans le style cible évidente. On veut aussi minimiser les déplacements. On va venir les chercher, mais ce sera pour les amener directement à la navette, juste avant le départ.

— Parce qu'en attendant, vous vous dites qu'ils sont à l'abri dans l'anonymat d'une petite station balnéaire. Mais la bombe au Hilton ce matin, ça veut dire qu'il y a une couille dans ton potage.

— Exactement. On a sûrement une fuite, peut-être une taupe... Et on n'aura pas le temps de trouver. Pas aujourd'hui. On a pesé le pour et le contre, et on pense qu'on a peut-être juste joué de malchance. C'est pour ça qu'on veut que ces gens restent sur Santa-Maria, dans ton secteur. Mais ça aussi, ça va peut-être se savoir.

— Et donc, tu penses qu'il va y avoir du grabuge par chez nous ?

— Oui, et aussi sur Almogar. Tu peux t'attendre au pire. Tous les indicateurs sont dans le rouge pour toute la région. Cette nuit, les soldats de l'ONU ont fait un barrage sur l'autoroute dans le désert à soixante kilomètres au nord. Devine ce qu'ils ont trouvé dans un camion de machines agricoles ?

— Des armes de guerre, tu penses bien, sinon ça ne serait pas drôle.

— Une batterie de missile sol-air de dernière génération, lanceur, système de guidage et trois missiles flambant neufs dans leur emballage d'origine.

— Schwartz ! Ne me dis pas qu'ils venaient par ici ?

— En tout cas, c'est ce que le manifeste du camion indiquait : Santa-Maria d'Almogar, pas Almogar.

— Pourquoi on ne l'a pas su tout de suite ?

— Ta hiérarchie en a été informée.

— Qui ? Cet abruti de Callaghan ? Tu sais combien de litres de whisky il s'envoie par jour ? Tu sais qu'à l'heure qu'il est, il en a peut-être déjà torché une ?

— AK, je préférerais ne pas savoir comment vous gérez votre boutique, mais c'est parce que mon petit doigt m'a dit des trucs que je voulais te prévenir en direct, et aussi avoir quelques nouvelles. Si tu pouvais me tenir au courant pendant la journée, je te promets de t'envoyer tout ce que je sais sur ce qui se passe ou va se passer sur Santa-Maria.

— C'est d'accord. Dès que j'en sais plus, je t'appelle. Donnant donnant.

— Donnant donnant.